À ma retraite, je voulais continuer à être utile, à rendre service à la collectivité. Les autorités vaudoises m’ont demandé d’apporter mon aide à certains conseils de fondation en difficulté. J’ai naturellement accepté : cela me permet de maintenir des contacts humains et sociaux, ainsi qu’une activité intellectuelle.
Cet engagement m’a inspiré une réflexion autour de trois notions qui me semblent prépondérantes lorsqu’on intègre les instances dirigeantes d’une fondation : don, partage et responsabilité.
D’abord, quand on accomplit une action bénévole, on donne de son temps. Il en est de même lorsqu’on accepte de siéger dans un conseil de fondation, ce qui permet en plus de partager ses compétences et ses expériences. On les met à disposition d’une cause qui nous est chère, qui nous touche. C’est ainsi que je comprends dans ce contexte les deux premiers aspects.
Pour ce qui est de la troisième notion, en siégeant dans un conseil de fondation, il est impératif de prendre ses responsabilités. C’est une dimension que beaucoup de membres de conseils ont tendance à oublier. Il s’agit moins d’agir, comme le ferait un bénévole, que de conseiller et de soutenir ceux qui agissent, en leur créant les conditions favorables à la réalisation du but de la fondation.
Une autre responsabilité des conseils de fondation, parfois un peu mise de côté, est le contrôle. Ce n’est de loin pas un rôle agréable, mais il reste fondamental, en assurant justement ces conditions favorables.
C’est d’ailleurs dans cette surveillance que réside aussi la plus-value d’un conseil de fondation pour les donateurs, les philanthropes ou les bailleurs de fonds.
Ainsi, appartenir à un conseil de fondation, ce n’est pas seulement donner et partager, mais aussi et surtout assumer ses responsabilités. Ce dernier point n’est pas toujours pris suffisamment en compte par les personnes qui s’engagent. J’en ai pris conscience ces dernières années en intervenant dans différents conseils de fondation.
Cela explique partiellement pourquoi il peut être difficile de trouver de nouveaux membres pour les conseils, même si certaines personnes refusent rarement lorsqu’on le leur demande.
De manière générale, le recrutement s’avère plus ardu que pour le bénévolat ‘traditionnel’. La bonne volonté ne suffit pas toujours. En effet, cette tâche requiert des compétences financières, juridiques, de management, de ressources humaines ou encore dans le domaine d’activité concerné. Il faut rassembler ces différentes compétences dans un groupe d’individus, qui doivent se compléter et être conscients de leurs responsabilités. Un conseil ne peut se contenter d’enregistrer des décisions.
De manière générale, je n’ai pas l’impression qu’on a moins tendance à s’engager de nos jours. Je pense que cet état d’esprit est bien ancré ici en Suisse. Nos compatriotes se rendent bien compte que, malgré le filet social, certains restent marginalisés en raison de leur santé, de leur déficience ou de problèmes professionnels.
Bien sûr, l’État les protège, mais cela ne suffit pas toujours. Il faut plus de mesures pour que tout le monde puisse être parfaitement intégré à la société. Pour les personnes présentant une déficience, il ne faut pas se contenter de savoir qu’elles sont dans une institution et se dire que cela suffit. Nous devons tous ensemble nous assurer de leur donner la place qui leur revient. C’est également valable pour les personnes âgées, et plus généralement pour chaque membre de notre société. Nous avons tous droit à la reconnaissance de notre dignité humaine, quel que soit le moment où l’on se trouve dans notre parcours de vie. C’est mon moteur profond sur le plan philosophique et éthique : personne ne doit être discriminé à cause de son âge, son éducation ou sa formation par exemple. Nous avons toutes et tous les mêmes droits à être intégrés totalement.
Heureusement, même si nous sommes dans une société assez individualiste, beaucoup d’efforts sont déployés. Pourtant, de bonnes démarches se heurtent encore à des seuils ou des blocages budgétaires. L’école inclusive en témoigne. Elle nécessite certes beaucoup d’efforts et des moyens importants, mais de cette façon, on construit la cohésion, on construit le bien commun et on ne laisse personne au bord du chemin.
Pour encourager l’engagement personnel dans notre société, il faut valoriser tous ces bénévoles en mettant en avant leur rôle. J’appartiens à cette génération de baby-boomers qui a eu beaucoup de chance, et rendre un peu de ce que j’ai reçu a toujours été une évidence à mes yeux. Certains pensent que la génération d’aujourd’hui n’a peut-être plus les mêmes perspectives, qu’elle risque de se replier sur elle-même. C’est un enjeu de société intéressant, et je crois qu’il est permis d’espérer car chacun trouve ses raisons. Je pense que cet engagement est indispensable si l’on veut vraiment contribuer à la cohésion sociale, au bien vivre. Nous devrions toutes et tous être prêts à apporter quelque chose à la collectivité ; cela me paraît une belle motivation.
Christophe Equey
Christophe Equey a dirigé pendant un peu plus de 17 ans la Fondation de Vernand qui est une grande institution sociale vaudoise qui accueille et accompagne près de 600 enfants et adultes présentant une déficience intellectuelle ou des troubles du spectre de l’autisme. Il préside actuellement le Conseil de la Fondation Coup d’Pouce et celui de la Fondation CSC St-Barthélemy et siège au sein du Conseil de la Fondation d’aide sociale et culturelle, l’organe vaudois de répartition des bénéfices de la Loterie romande. Auparavant, il a assumé durant trois ans la vice-présidence de la Fondation BVA. Il a également exercé la fonction de commissaire avec attributions de président, nommé par l’Autorité de surveillance LPP et des Fondations de Suisse occidentale, pour la Fondation Apollo qui traversait d’importantes difficultés.